Cette nuit, j’ai fait ce rêve, d’une scène d’amour avortée: je commençais avec retenue et excitation à entreprendre les préliminaires, quand sexe en érection, j’aperçois par hasard sur la table de chevet une collection de minéraux, interpelant alors le géologue qui sommeille en moi, disposée négligemment, sans ordre ni harmonie, incongrue, anachronique, me coupant alors tous mes effets. Je ne sais si c’est la surprise, le désordre ou l’anachronisme qui me neutralise ? Mais le temps semble s’être figé, immobilisé dans son élan projectif, me ramenant ainsi dans mon passé d’enfant, collectionneur de fossiles.
Le clivage ne l’est qu’en apparence, pièces émergées d’un même continent, carrosseries polichées du même moteur à l’intérieur, le désir plus que l’envie, le désir d’exister, le désir d’extase, de désirer en même temps que d’être désiré, le désir de désirer sans objet, le désir d’enchantement réconcilient les deux approches. Mais la démarche est commune. C’est seulement l’objet qui change. L’objet s’efface derrière l’énergie vitale. Accélération masturbatoire. Cinétique avant ou arrière. Remonter le temps perdu n’est pas rajeunir. C’est dépasser le temps et se projeter en avant qui est rajeunir.
Mon point de résonnance, de tuning, est d’avoir fait entrer parfois une femme (la femme argentée, la femme du désert ou la femme de la forêt) dans le tableau dont je suis moi-même le peintre. Le film dont je suis mon propre metteur-en-scène. Les images d’enchantement dont je suis le seul démiurge. Dans mes rêves de monde surréaliste. Dans ma scène primitive, archétypale, fondatrice. A l’intérieur d’un panorama géologique (chaine de montagne, roches dénudées, canyons d’Aragon, karst équatorial de Bornéo, dunes rouges de Namibie, fjords et glaciers du Groenland, paléo-paysages imaginaires), subjectivé, empathique, poétisé. Et dans un cas poussé à l’extrême d’une scène naturelle personnifiée, allégorique, anthropomorphique. Jusqu’à être féminisée, érotisée. Femme monde. Femme chamane. Femme médiatrice. Femme fétiche. Femme totémique. A la fois sacrée et sexuée.
Une Terre, des territoires ... zone critique, strates et plateaux 